Eric Dupond-Moretti, Marlène Schiappa, Gérald Darmanin… Quinze membres du gouvernement (sur 43) sont candidats aux élections régionales ou départementales des 20 et 27 juin. Les annonces ont été faites au compte-gouttes ces dernières semaines, jusqu’à la veille de la clôture du dépôt des listes, lundi 17 mai, à midi.
Lors des précédentes régionales, en décembre 2015, 8 membres du gouvernement s’étaient présentés (notamment Christiane Taubira en Guyane ou Jean-Yves Le Drian en Bretagne), contre 13 cette année. Dans un tiers des régions métropolitaines – 4 sur 13 –, un ministre mènera la liste de la majorité (Hauts-de-France, Centre-Val de Loire, Nouvelle-Aquitaine et Grand-Est).
Si aucun poids lourd médiatique et politique du gouvernement n’est tête de liste – et donc possible futur président de région –, de nombreuses têtes d’affiche du gouvernement sont entrées en campagne et figurent par exemple comme têtes de liste d’un « secteur ». En effet, pour ce scrutin, les listes sont régionales mais composées de sections départementales : il y a autant de sections que la région compte de départements et les sièges sont répartis au prorata des voix obtenues par la liste dans chaque département.
Eric Dupond-Moretti ou Marlène Schiappa sont tête de liste d’un secteur, respectivement dans le Pas-de-Calais et à Paris. D’autres ministres bien connus des électeurs sont candidats, mais en fin de liste, comme Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, ou Agnès-Pannier Runacher, ministre déléguée chargée de l’industrie, qui figurent en dernière position, respectivement dans les sections départementales des Hauts-de-Seine et du Pas-de-Calais, ou encore Gérald Darmanin, qui pointe à la 75e place (sur 76) dans le Nord.
Le soudain engouement ministériel pour ces élections locales nationalise de fait la campagne électorale à un an de l’élection présidentielle. Emmanuel Macron s’inscrit ainsi dans un rapport de force avec ses principaux rivaux, le Rassemblement national et les ténors de la droite, Xavier Bertrand (ex-Les Républicains, LR) et Valérie Pécresse (Libres !, ex-LR). C’est donc sans surprise que l’on retrouve le plus grand nombre de ministres sur les listes où le parti d’extrême droite est fort et où se présentent ces deux personnalités : les Hauts-de-France et l’Ile-de-France.
- Cinq ministres dans les Hauts-de-France
Laurent Pietraszewski, secrétaire d’Etat chargé des retraites et de la santé au travail, est la tête de liste pour les élections régionales dans les Hauts-de-France. Quatre autres ministres ont été envoyés en renfort pour le soutenir, notamment Eric Dupond-Moretti et Gérald Darmanin.
Le ministre de la justice prend ainsi la tête de liste dans le secteur électoral du Pas-de-Calais et accueille Agnès Pannier-Runacher, dont la candidature fait polémique, notamment sur la légitimité de son ancrage local. Quant au ministre de l’intérieur, il est en avant-dernière position dans le Nord, sur la liste de M. Pietraszewski, où on retrouve le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises, Alain Griset.
L’enjeu ici est clair pour la liste de la majorité : « On ne peut pas abandonner la région à ce duel terrible qu’on nous annonce » entre l’extrême droite et Xavier Bertrand, affirme la liste baptisée « Hauts-de-France unis » dans un communiqué.
- Cinq ministres en Ile-de-France
En Ile-de-France, la tête de liste régionale pour LRM revient à Laurent Saint-Martin, député du Val-de-Marne. Son relatif déficit de notoriété a justifié l’envoi d’un contingent de ministres sur sa liste : Marlène Schiappa (citoyenneté), Amélie de Montchalin (fonction publique) et Nathalie Elimas (éducation prioritaire) seront ainsi numéro un dans les sections de Paris, de l’Essonne et du Val-d’Oise. Emmanuelle Wargon (logement) sera numéro deux dans le Val-de-Marne et Gabriel Attal est arrivé in extremis, dimanche 16 mai, pour prendre la 30e et dernière place dans les Hauts-de-Seine.
L’enjeu est ici principalement de faire barrage à Valérie Pécresse, actuelle présidente de la région (Libres !, élue en 2015 sous la bannière LR) et possible candidate de la droite en 2022. Toutes les enquêtes d’opinion la placent en tête, au premier tour comme au second. Mais le maintien d’une liste LRM au second tour, si celle-ci se qualifie, pourrait compliquer sa réélection.
- Trois autres ministres têtes de liste
D’autres ministres, moins médiatiques, se présentent comme têtes de liste aux régionales. C’est notamment le cas de Marc Fesneau, le ministre MoDem chargé des relations avec le Parlement, qui est numéro un dans le Centre-Val-de-Loire et fait partie des rares à être en capacité de l’emporter.
Geneviève Darrieussecq, ministre chargée de la mémoire et des anciens combattants, est, quant à elle, tête de liste régionale en Nouvelle-Aquitaine. Et Brigitte Klinkert, la ministre déléguée chargée de l’insertion, dans le Grand-Est.
Sophie Cluzel, la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, ne sera finalement pas candidate en Provence-Alpes-Côte d’Azur. LRM a, après moult rebondissements, décidé de soutenir la liste du président LR sortant, Renaud Muselier, même si aucun ministre ni parlementaire LRM n’y figure. C’est la seule région où LRM ne présente pas de liste.
- Les ministres candidats aux départementales
Gérald Darmanin et Brigitte Klinkert, déjà candidats aux régionales, le seront aussi aux départementales. Le ministre de l’intérieur se présente dans le canton de Tourcoing-2 (Nord) et la ministre déléguée à l’insertion dans celui de Colmar-2 (Haut-Rhin).
Sébastien Lecornu, le ministre des outre-mer, est candidat dans son fief de Vernon, en Normandie. Brigitte Bourguignon, la ministre déléguée chargée de l’autonomie, est, elle, candidate dans le Pas-de-Calais.
- Que feront les ministres en cas de victoire ou de défaite ?
« Quand on est ministre, on ne peut pas cumuler avec la tête d’un exécutif local », avait affirmé l’ancien premier ministre Edouard Philippe, en septembre 2019, rappelant une règle non écrite édictée par Lionel Jospin en 1997. Cela n’a pas empêché une « exception » après les municipales de 2020 : Gérald Darmanin a été, pendant quelques mois, ministre et maire de Tourcoing. Un ministre élu président de région devra-t-il quitter le gouvernement ? Cela n’a pas été édicté officiellement, mais une règle tacite prévoit qu’en cas de victoire le ministre qui prendra la tête d’une région devra quitter son ministère – ceux qui seront élus conseillers régionaux ne sont pas concernés.
armi les quatre ministres têtes de liste aux régionales, Marc Fesneau – le seul membre du gouvernement bien placé pour l’emporter – a annoncé qu’il démissionnerait de son ministère en cas de victoire en région Centre-Val de Loire. C’est le cas également de Brigitte Klinkert (Grand-Est). La ligne de Geneviève Darrieussecq (Nouvelle-Aquitaine) et de Laurent Pietraszewski (Hauts-de-France) est plus floue, mais leurs listes ont peu de chances de l’emporter.
Contrairement aux législatives de 2017, les ministres candidats ne mettent pas leur poste en jeu et pourront rester au gouvernement en cas de défaite. Ils pourront aussi rester ministres s’ils sont élus conseillers régionaux.
Source : Le Monde