« Près de 3 000 ans de réserves » : la fusion nucléaire, le rêve d’une abondance énergétique

Entretien

Le 17 août, le National Ignition Facility (NIF), un laboratoire public américain, s’est félicité d’avoir fait une « avancée historique » dans la course à la fusion nucléaire. Greg de Temmerman, chercheur associé à Mines ParisTech PSL et expert en fusion nucléaire, revient sur les perspectives ouvertes par cette nouvelle source d’énergie.

La Croix : Pourquoi la fusion semble-t-elle offrir des « perspectives illimitées » ?

Greg de Temmerman : La fission nucléaire, que l’on maîtrise déjà, crée de l’énergie en prenant un gros atome pour le casser et générer des plus petits. La fusion, c’est exactement l’opposé. On part d’atomes tout petits, en général des isotopes de l’hydrogène, le deutérium et le tritium, pour les faire réagir ensemble pour former un atome légèrement plus gros.

Pour les fusionner, on doit les soumettre à des conditions extrêmes qui expliquent les difficultés que l’on a à maîtriser cette énergie. Il faut les exposer à une température avoisinant les 150 millions de degrés, arriver à les contenir dans une enceinte et, enfin, à exploiter l’énergie qui en ressort.

L’autre grande différence avec la fission, c’est la source de l’énergie et les quantités en jeu. Avec un kilo de deutérium et de tritium, on génère autant d’énergie qu’avec 100 kg d’uranium ou 6 millions de kilos de gaz naturel. Un réacteur de fusion avec une puissance de 1 GW nécessitera par exemple 50 kg de tritium par an. Et, bien qu’il n’existe pas à l’état naturel, cet atome peut être produit facilement à partir du lithium qui, lui, est très accessible. Quant au deutérium, on le trouve naturellement dans l’eau de mer en quantité presque infinie. Les combustibles de la fusion sont vraiment abondants. Même les estimations les plus pessimistes estiment que nous disposons de près de 3 000 ans de réserves.

La fusion nucléaire présente-t-elle des risques écologiques ou sanitaires ?

G. de T. : Comme pour la fission nucléaire, la fusion n’émet pas de CO2 même si elle crée, en faible quantité, de l’hélium, un gaz inerte. La grosse différence, c’est qu’on ne génère pas les déchets à haute activité et à vie longue comme les déchets ultimes qui doivent être stockés pendant des dizaines de milliers d’années. Il est estimé que les déchets provenant de la fusion auront une durée de vie d’une centaine d’années. Ensuite, on pourra les retravailler ou les recycler. Quant aux risques d’emballements, comme on a connu à Tchernobyl ou Fukushima, ils n’existent pas.

Il y a tout de même un petit bémol. S’il y a un problème, il se peut que le réacteur relâche du tritium qui reste un matériau radioactif. Néanmoins, la demi-vie du tritium (la période de radioactivité) n’est que de 12 ans. Contrairement à la fission, la réaction de fusion n’est pas possible à l’état naturel sur Terre. C’est par contre le moteur du soleil ! On passe notre temps à essayer de la susciter en laboratoire et la moindre instabilité éteint automatiquement le procédé.

À quelle échéance attend-on les premiers réacteurs ?

G. de T. : Pour des projets publics, comme Iter (le réacteur thermonucléaire expérimental international, situé dans le sud de la France), on s’attend à une démonstration de la fusion pour la fin des années 2030. L’Europe a un objectif de réacteur opérationnel pour 2050. Donc si on regarde l’historique du déploiement des autres énergies, on arriverait à 1 % de la demande énergétique mondiale à la fin du siècle si tout se passe bien.

→ ANALYSE. L’avenir en pointillé du nucléaire français

En parallèle, des start-up se montent en pensant qu’elles pourront aller beaucoup plus vite grâce aux récentes avancées technologiques et en utilisant des machines plus petites. En général, elles annoncent des propositions de réacteur pour les années 2030-2040. Cependant, des machines comme celles d’Iter sont basées sur des années et des années de recherches, là où certaines entreprises privées prennent des routes un peu plus audacieuses. Si ça marche, c’est tout bénéfice. Mais il y a un risque non nul que cela ne fonctionne pas.

Source : https://www.la-croix.com/Economie/Pres-3-000-ans-reserves-fusion-nucleaire-reve-dune-abondance-energetique-2021-08-18-1201171280

Inédits de Céline : « Je n’ai pas souvenir d’une découverte aussi importante en littérature »

Entretien |Pour Émile Brami, l’ancien libraire spécialiste de l’auteur de « Voyage au bout de la nuit », les milliers de feuillets qui refont surface, près de 80 ans après leur disparition, sont très prometteurs. Avec parmi les textes inédits « Casse-pipe », qu’il recherchait lui-même depuis des années.

Louis-Ferdinand Céline, photographié ici le 13 octobre 1951, n’a cessé jusqu’à sa mort de s’insurger contre le vol, à son domicile en 1944, des milliers de feuillets inédits qui viennent de réapparaître, dans des conditions mystérieuses.• Crédits : Keystone /Hulton Archive – Getty

C’est un événement majeur, dans le monde littéraire. Des milliers de feuillets inédits de Louis-Ferdinand Céline ont réapparu – révélation de Jérôme Dupuis dans le journal Le Monde – dans des conditions très mystérieuses. Céline n’a cessé de répéter jusqu’à sa mort qu’on les lui avait volés, dans son appartement de Montmartre, à Paris, en 1944, juste après sa fuite vers l’Allemagne nazie. Il évoquait notamment Casse-pipe, roman qui devait former une trilogie avec Voyage au bout de la Nuit et Mort à Crédit

Toutes les recherches pour retrouver ces précieux documents n’ont rien donné, jusqu’à la mort en novembre 2019 de sa veuve, l’ex-danseuse Lucette Destouches. Après sa disparition, un avocat spécialiste du monde de l’édition, Me Emmanuel Pierrat, est contacté par un ancien journaliste à Libération, Jean-Pierre Thibaudat, qui lui annonce détenir depuis quinze ans des milliers de pages, l’équivalent d’un mètre cube de papier, des feuillets manuscrits de Céline, qu’un lecteur de Libération lui avait remis, gracieusement, à condition de ne pas les rendre publics avant la mort de la veuve de Céline, afin de ne pas l’enrichir. Soit 600 feuillets de Casse-pipe, un roman inconnu intitulé Londres, 1 000 feuillets de Mort à Crédit et de nombreux autres documents.

Les deux ayants droit de la veuve de Céline, après une séance en juin 2020 dans le cabinet de Me Pierrat, en présence de Jean-Pierre Thibaudat, décident, au début de cette année, de porter plainte pour recel de vol, sans que l’on sache comment les textes estimés à plusieurs millions d’euros ont refait surface. 

Jean-Pierre Thibaudat, interrogé sur son mystérieux donateur répond : secret des sources. Est-ce le descendant d’un des résistants soupçonnés d’avoir fait main basse sur le trésor ? Plusieurs pistes sont évoquées dans le journal Le Monde. 

Le spécialiste de Céline, l’ancien libraire et biographe de l’écrivain, Emile Brami, privilégie la piste d’Oscar Rosembly, un ancien comptable de l’auteur de Voyage au bout de la nuit.

Comme le manuscrit de “Voyage au bout de la nuit” vendu aux enchères en mai 2001, les feuillets de “Mort à Crédit” et de “Guignol’s Band” qui ont réapparu, près de 80 ans après leur disparition, sont des versions différentes des romans publiés.
Comme le manuscrit de “Voyage au bout de la nuit” vendu aux enchères en mai 2001, les feuillets de “Mort à Crédit” et de “Guignol’s Band” qui ont réapparu, près de 80 ans après leur disparition, sont des versions différentes des romans publiés.• Crédits : Patrick Durand / Sygma – Getty

Que représente cette découverte littéraire ? Est-elle majeure dans l’œuvre de Céline ? 

C’est une découverte majeure, sinon la découverte majeure de ces cent dernières années. Il y a eu quelques textes de Proust qui ont été retrouvés. Mais je n’ai pas souvenir d’une telle découverte en littérature, aussi importante. C’est tout à fait exceptionnel. Il y a deux textes inédits : Casse-pipe dont on ne connaissait qu’une centaine de pages, un livre supposé disparu mais qui était un livre de Céline attesté par une lettre à Denoël et la Légende du roi Krogold. Il y a aussi tout un tas de brouillons, une version intermédiaire de Mort à crédit, une version intermédiaire de Guignol’s Band.  il va falloir plusieurs années de travail de chercheurs, pour connaître intimement cette découverte absolument majeure. Il y a quelque vingt mille feuillets, c’est énorme ! 

Il y a aussi toute la genèse du travail de Céline, sa manière de rédiger qu’on connait, bien sûr, mais qui sera appliquée dans ce cas précis, à deux ou trois livres, plus un certain nombre de correspondances. Et entre autres semble-t-il une correspondance avec Brasillach, ce qui est très étonnant parce que les deux hommes se détestaient.  

Casse-pipe est un roman publié, inachevé, en 1948. Cela veut dire que la partie manquante a été retrouvée ? 

Je ne peux pas vous répondre de façon formelle là-dessus. Tout ce que j’ai pu voir, c’est une liste de ce qui a été rendu aux ayants droit. Je sais qu’il y a une importante partie de Casse-pipe. Est-elle complète ? Je n’en sais rien et je crois que même les gens qui les ont en main aujourd’hui ne le savent pas. C’est un tel volume qu’il va falloir travailler dessus très longuement, faire des comparaisons avec ce que nous connaissons déjà. Le travail d’expertise a été fait. On sait que c’est de la main de Céline. Mais on ignore le contenu précis de cette énorme masse de documents. Il est impossible de répondre à cette question de manière sérieuse aujourd’hui. Il faut savoir aussi que les manuscrits de Céline correspondent très rarement à ce qui a été publié. Il faisait toujours, avec sa secrétaire Marie Canavaggia, un travail de relecture et de correction. On ne pourra donc pas dire : « C’est le manuscrit qu’aurait voulu publier Céline ». Mais c’est en même temps le manuscrit d’un roman disparu pour les trois-quarts. Ce serait donc quelque chose d’extraordinaire. Je pense que les documents vont être confiés à des spécialistes de Céline, des universitaires, des spécialistes de l’écriture déjà, parce que l’écriture de Céline est difficile à déchiffrer. Souvent, il y a des mots illisibles. Je pense que les documents seront confiés à ceux qui ont travaillé pour les quatre volumes et la correspondance en Pléiade. On saura alors s’il s’agit d’une version intermédiaire, d’une version définitive pour chacun des ouvrages.

Il y a aussi parmi les inédits, selon le journal Le Monde, un roman inconnu, un manuscrit de plus de 1 000 feuillets intitulé Londres. Comment peut-il s’inscrire selon vous dans l’œuvre de Céline ? 

Lorsque Céline écrit Voyage au bout de la nuit, il compte mettre une partie qui s’appellera Londres. Ça, c’est dans la correspondance. Il le dit à plusieurs correspondants. Quand il est en cours d’achèvement de Voyage au bout de la nuit, il se rend compte que le volume va déjà être très, très important et il dit dans une lettre que Londres fera un volume à part. Mais rien n’est jamais ressorti à ce propos. C’était une espèce de légende. Si aujourd’hui Londres existe, c’est absolument formidable, parce qu’on aurait alors toute la continuité des romans autobiographiques de Céline. Il est probable aussi que Londres ait servi de matrice à Guignol’s Band, puisque Guignol’s Band se déroule à Londres. Dans ce cas-là, il sera très intéressant de voir les différences entre le Londres qui vient de ressurgir et Guignol’s Band.  

Personnage central dans la réapparition tardive des milliers de feuillets inédits de Céline : sa veuve, l’ancienne danseuse Lucette Destouches qui se trouve dans sa maison de Meudon, dans cette photo prise le 21 février 1969.
Personnage central dans la réapparition tardive des milliers de feuillets inédits de Céline : sa veuve, l’ancienne danseuse Lucette Destouches qui se trouve dans sa maison de Meudon, dans cette photo prise le 21 février 1969. • Crédits : Gamma / Keystone – Getty

Comment analysez-vous les conditions très mystérieuses de sortie au grand jour de tous ces précieux documents ? 

Il faut d’abord tirer son chapeau à une personne : Jean-Pierre Thibaudat. Il a eu les manuscrits entre les mains, il les a conservés, il ne les a pas dispersés comme il aurait pu et gagner beaucoup d’argent. Il a donc fait un travail de conservation absolument remarquable. Mais la manière dont il dit être entré en possession de ces manuscrits ne me convainc pas du tout. Il affirme les avoir reçus d’une famille de résistants de gauche qui les auraient détenus après une perquisition faite chez Céline et qui n’a pas voulu les faire ressortir parce qu’ils ne voulaient pas que cet écrivain fasciste soit de nouveau mis en avant dans l’actualité et que sa veuve, Lucette Destouches, en profite, avant sa mort. Moi, je suis au courant de cette histoire depuis un an, mais il fallait garder le secret. Cette histoire suppose que ces résistants aient pénétré dans l’appartement de Céline, dans un laps de temps très défini, entre le moment où il quitte Paris, le 17 juin 1944, et le moment de la libération de Paris, à la fin du mois d’août 1944. Cette perquisition aurait donc été faite quelques semaines ou quelques jours après son départ. Pour moi, c’est absolument impossible. Pourquoi ? Parce que là où vit Céline sur la butte Montmartre, c’est un petit village où tout le monde se connaît, résistants et collabos. Ce petit monde-là vit ensemble. Pour l’anecdote, il y a aussi une concierge dans l’immeuble de Céline. Une perquisition, sans que personne n’en ait connaissance, sans que personne n’en parle jamais, me semble tout à fait improbable.   

Cette perquisition mystérieuse se serait déroulée sans que personne ne le voit, à un moment très difficile pour perquisitionner un collaborateur aussi important que Céline parce que la libération de Paris n’a pas eu lieu. Une telle perquisition, dans le secret le plus absolu, me semble absolument incroyable. Et on se demande bien pourquoi les possibles auteurs de cette perquisition se seraient emparés des documents de Céline. Cela n’a aucun intérêt pour eux, d’autant plus qu’ils sont présentés comme des gens de gauche, de conditions relativement modestes. Ils n’ont pas de raison de savoir que c’est important, que cela vaut de l’argent. Et c’est très volumineux en plus. C’est de l’ordre du mètre cube. On part difficilement avec plusieurs centaines de kilos de documents à la fin d’une perquisition, sans que personne dans le quartier ne se rende compte de rien. Moi, je n’y crois pas.  

Source : https://www.franceculture.fr/litterature/inedits-de-celine-je-nai-pas-souvenir-dune-decouverte-aussi-importante-en-litterature

Chine : plusieurs nouveaux cas de Covid-19 à Wuhan, les autorités vont dépister les habitants

La ville centrale chinoise de Wuhan, où le Covid-19 avait fait son apparition fin 2019, va à nouveau dépister ses habitants après la découverte de quelques cas, ont annoncé mardi les autorités locales.

Elle n’avait plus connu de cas enregistrés depuis mai 2020. La ville de Wuhan, en Chine centrale et où le Covid-19 avait fait son apparition fin 2019, va à nouveau dépister ses habitants après la découverte de quelques cas, ont annoncé mardi 3 août les autorités locales.

Trois nouveaux cas de Covid-19 ont été confirmés, lundi, dans la métropole de 11 millions d’habitants, rattrapée à son tour par une flambée du variant Delta apparu le mois dernier dans l’est du pays.

Ce regain épidémique est un coup dur pour la ville, la première du monde à avoir été placée en quarantaine dès le 23 janvier 2020, et pour 76 jours. 

Après que la vie y était progressivement revenue à la normale, ses habitants se flattaient de vivre désormais dans « la ville la plus sûre du monde », par comparaison avec les effets de la pandémie, qui a tué plus de 4 millions de personnes à la surface du globe.

La cité des bords du Yangtsé « est en train de lancer rapidement un dépistage PCR généralisé de tous ses habitants », a annoncé Li Tao, un responsable de la mairie, lors d’une conférence de presse.

Au total, sept travailleurs originaires d’autre provinces ont été testés positifs au Covid-19, ont annoncé lundi les autorités. Quatre d’entre eux ne montrent toutefois pas de symptômes de la maladie.

Retour de mesures radicales comme début 2020

La Chine, qui a pratiquement éradiqué l’épidémie dès le printemps 2020, est confrontée depuis quelques semaines à la résurgence la plus étendue du virus depuis l’an dernier.

Avec plus de 400 nouvelles infections depuis la mi-juillet dans tout le pays, ce regain de contamination reste toutefois très limité par rapport aux chiffres enregistrés dans d’autres pays. 

Mais ce foyer est important en termes d’étendue géographique : plus d’une douzaine de provinces sont désormais touchées ainsi que Pékin, la capitale, qui a appelé dimanche ses habitants à ne pas quitter la ville sauf raison impérieuse.

Face au risque de résurgence épidémique, le régime communiste à de nouveau sorti un arsenal de mesures radicales similaires à celles du début 2020 : confinement, limitation des déplacements, dépistage généralisé.

Mardi, le pays a fait état de 61 nouveaux cas d’origine locale (et non directement importés), alors que le variant Delta se répand après avoir contaminé des employés chargé du nettoyage des avions à l’aéroport de Nankin. La population de cette ville de plus de 9 millions d’habitants a déjà été dépistée à deux reprises et une troisième campagne de tests est en cours.

Non loin de cette ancienne capitale, la ville de Yangzhou a ordonné à ses habitants de rester chez eux après le recensement de 40 nouveaux cas dans la seule journée de lundi. Seul un membre de chaque foyer est autorisé à sortir, une fois par jour, pour assurer le ravitaillement.

La Chine a par ailleurs distribué plus de 1,65 milliard de doses de vaccin depuis l’an dernier. Nombre de personnes contaminées avaient déjà été vaccinées, ont admis les autorités, soulevant des craintes quant à l’efficacité des injections chinoises, les seules disponibles dans le pays.

Source : https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20210803-chine-plusieurs-nouveaux-cas-de-covid-19-%C3%A0-wuhan-les-autorit%C3%A9s-vont-d%C3%A9pister-les-habitants